Championnats Coupe Vanier

L'histoire nous dira qu'il a connu plusieurs moments indélébiles, que ce soit quand il a soulevé la première Coupe Vanier, quand il a joué au sein d'une équipe championne de la Coupe Grey et quand il a même défié, dans le rôle d'avocat, la Cour supérieure de justice.

Il s'appelle Jura Szterenberg.

Né dans l'ancienne Union soviétique, dans un village situé près des contreforts de l'Oural, la plus vieille chaîne de montagnes dans le monde, il est venu au Canada avec sa famille il y a sept décennies environ. À l'époque, il était âgé de cinq ans et ne parlait pas un mot d'anglais.

Les partisans du football canadien ont appris à le connaître sous le nom de Gerry Sternberg, que lui avaient donné les autorités canadiennes de l'immigration quand la famille est arrivée à Halifax.

Son histoire est fascinante. Repêché au deuxième tour (12e au total) par les Eskimos d'Edmonton, il a signé un contrat au montant de 5000 $, puis il a été retranché par l'équipe de la Ligue canadienne de football avant le début de la saison.

Sternberg est retourné à l'Université de Toronto, où il a retrouvé son statut de vedette et est devenu le premier joueur à remporter le trophée commémoratif Ted-Morris en tant que joueur le plus utile à son équipe de la finale nationale de 1965.

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C'était aussi l'année où la Coupe Vanier a été créée en tant que trophée de championnat du College Bowl canadien.

Au moment où Sternberg et les Blues de l'Université de Toronto ont défait l'Université de l'Alberta 14-7, devant une foule de 3488 spectateurs réunis au stade Varsity de Toronto, le demi offensif de 5-pieds-9 pesait 145 livres. Il était un jeune fort coriace qui défiait la loi des probabilités.

Il s'avère que son petit gabarit n'a pas vraiment été un facteur. En trois saisons à l'U de T, un joueur qu'on décrivait jadis comme rusé et trompeur, mais aussi polyvalent, a multiplié les performances impressionnantes. Deux fois, il a été choisi au sein de l'équipe d'étoiles de l'association des Sports universitaires de l'Ontario (SUO) en tant que demi offensif et demi défensif.

Sternberg est retourné dans la LCF, a signé un contrat en tant que joueur autonome avec Montréal, où il a fait ses débuts dans les rangs professionnels, et avec qui il a marqué son premier touché. Il allait jouer pendant sept ans, de 1966 à 1973, dans l'Association de l'Est – plus tard avec Toronto et Hamilton.

Rapide sur le terrain, éloquent dans la salle de classe, il a fallu prendre des décisions difficiles après que Sternberg eut été admis à la faculté de droit d'Osgoode Hall à Toronto. Son cœur a balancé entre le désir de faire carrière comme avocat et celui de jouer au football.

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Sternberg a décidé de tout faire pour que ça fonctionne sur les deux plans.

En 1972, il allait ajouter à sa collection de bagues quand il a remporté la Coupe Grey avec Hamilton, puis il a conclu sa carrière au football, un an plus tard, et à l'âge de 30 ans, à son deuxième séjour avec Toronto.

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De nos jours, encore un peu meurtri par les coups subis sur le terrain de football, il se livre à un autre genre de compétition. Maintenant à sa 48e année dans le rôle d'avocat, Sternberg se concentre sur les poursuites au civil en livrant bataille sur le terrain des dommages corporels.

« J'ai des souvenirs formidables (du football) – en raison surtout du fait que je n'ai jamais raté un match à cause d'une blessure, que ce soit à l'école secondaire, à l'université ou dans la LCF », a rappelé Sternberg, bien installé dans le sous-sol de sa résidence torontoise, entouré d'un assortiment fort impressionnant d'antiquités et d'objets de collection comprenant notamment un cheval de manège, un phono mécanique et différents trophées de football.

« Pour quelqu'un d'aussi petit, c'était plutôt impressionnant que je me rende aussi loin que l'université et les rangs professionnels, a-t-il souligné. J'étais un jeune qui adorait la compétition, je voulais sans cesse apprendre et je n'ai jamais subi une commotion cérébrale en 10 années de football. »

Encore aujourd'hui, quand les gens parlent de détermination et d'excellence au football canadien, Sternberg a tendance à s'immiscer dans la discussion.

Sur le terrain, certaines personnes voyaient en lui un athlète d'exception et une force de la nature. Il a joué à l'attaque, en défensive et, comme spécialiste des retours de botté, on le vantait pour son niveau d'excellence, d'intelligence et d'habiletés.

Quand il raconte sa jeunesse, Sternberg explique qu'il a dû trouver le moyen de convaincre ses parents, qui auraient voulu qu'il renonce à une carrière sportive, surtout au football, que tout allait bien aller.

« Ils ne voulaient pas que je me fasse mal, a-t-il dit. J'ai fini par jouer au basketball en 10e année, et mes parents ont signé un formulaire d'autorisation en pensant que ça allait être correct.

« Ensuite, un entraîneur en football est venu me voir et m'a suggéré de venir tenter ma chance avec l'équipe. Je l'ai dit à mes parents, et ils m'ont ordonné de ne pas jouer. Toutefois, il était trop tard et mes débuts dans le football ont suivi en 11e année au collège Bloor, au poste de quart-arrière. »

Athlète talentueux et infatigable, doté d'une grande vitesse et d'un fort intellect, il trouvait toujours le moyen d'exceller. Vers la fin de ses études secondaires, Sternberg a été choisi chez les étoiles du football des écoles secondaires à Toronto, et cela a suffi pour qu'il attire l'attention de plusieurs recruteurs du niveau universitaire.

Ceux qui étudiaient à l'Université de Toronto ont remporté le trophée. Plusieurs années plus tard, en 2001, l'U de T allait ajouter son nom à la liste de ceux qui se trouvaient dans son prestigieux Temple de la renommée du sport. 

C'est drôle parfois la façon dont les choses se passent, parce qu'au moment où Sternberg a atteint les rangs professionnels, sa mère était une de ses plus grandes partisanes et elle regardait toujours son fils jouer.

« Quand je fouille dans les coupures de journaux, j'ai peine à croire que j'ai joué chez les professionnels, a-t-il lancé. À partir de l'époque où je jouais à l'université, je n'ai jamais douté de mes habiletés. J'allais sur le terrain et je faisais de mon mieux. J'ai fait la même chose chez les professionnels après avoir été retranché et échangé. Ça me dérangeait, mais j'ai simplement continué. »

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Ses exploits et ses faits saillants au football sont maintenant chose du passé, mais Sternberg a affirmé que ses souvenirs sont encore bien frais à sa mémoire. Il se demande encore s'il aurait dû chercher à obtenir une bourse aux États-Unis et explorer les possibilités de faire carrière avec une équipe de la Ligue nationale de football.

« Quand tu es un athlète, il y a toujours des questions sans réponse qui surgissent quelques années plus tard, a-t-il fait remarquer. J'ai travaillé fort, j'ai eu la chance de pouvoir jouer au football et je me souviendrai toujours de la frénésie que j'ai vécue au moment de disputer la Coupe Vanier et la Coupe Grey. »


davidgrossman.jpeg (140 KB)David Grossman, un communicateur et un raconteur qui a remporté de nombreux prix, a connu une éminente carrière comme journaliste de la presse écrite et électronique et comme relationniste dans le sport et les relations gouvernementales. En 2018, il a été nommé Membre honoraire - médias des Sports universitaires de l'Ontario (SUO).