U SPORTS Nouvelles

IMG_06380.png (72 KB)Matthew Melo est un étudiant de quatrième année du premier cycle universitaire et un capitaine de cross-country universitaire avec l’Excalibur de Trent à Peterborough, Ont. Il sera également co-chef de file de l’équipe du campus qui participera à la nouvelle « Initiative en santé mentale des étudiants-athlètes » (ISMÉA) de l’université Trent. Dans le cadre de la « Journée parlons-en de Bell », Melo partage avec nous son combat avec la santé mentale.   

Le sport m’a apporté une grande part de ce qui m’est cher, de ce qui remplit mon cœur. Il m’a donné un exutoire pour mes émotions, ma permis de contrôler mes niveaux de stress et d’angoisse et m’a également appris à me fixer des objectifs, à me conduire de manière confiante et charismatique. Qui plus est, grâce au sport, j’ai rencontré des personnalités influentes qui m’ont enseigné, qui m’ont formé à être qui je suis aujourd’hui.   

Mais le sport, paradoxalement, m’a aussi conduit vers autre chose, quelque chose beaucoup plus sombre, qui a eu pour moi des conséquences que je vous souhaite n’avoir jamais à vivre.

La maladie mentale est un fardeau trop lourd à gérer seul. Tout le monde a besoin d’aide de temps en temps. Ce n’est PAS un signe de faiblesse.

Le calme avant la tempête

Grandir dans la petite ville de Keswick, Ont., dans un milieu familial composé de quatre enfants remplis d’énergie, a certainement comporté plusieurs avantages. Dans cet environnement trépidant, la compétition et le sport en général faisaient partie intégrante de nos passe-temps et j’adorais le fait que nous — mes frères et sœurs et moi-même — y versions sang, sueurs et larmes, au sens propre et figuré. Au cours de ces années-là, je suis tombé amoureux de tous les sports et c’était libre à moi d’en profiter, de m’y amuser puis, simplement, de passer au suivant.

Sautons à ma jeune adolescence lorsque j’ai découvert la course. J’avais une excellente professeure qui faisait de la course de compétition pour un club d’athlétisme de renom, quelques villes plus loin. Elle a reconnu en moi le même amour pour le sport et, dans le temps de le dire, je me suis retrouvé avec ce groupe d’entraînement d’élite.  

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C’est à ce moment-là que, non seulement j’ai emprunté le chemin qui m’a mené à ma carrière universitaire en athlétisme, mais que je me suis également exposé à un environnement qui a agi comme catalyseur des forces plus sombres, plus viles, qui faisaient leur chemin dans mon esprit.

Le réveil d’un nouveau phénomène

Au début de cette nouvelle aventure, tout baignait dans l’huile. Je me faisais de nouveaux amis, je m’entraînais plus que jamais, et je devenais rapidement un athlète redoutable sur la piste. En même temps, par contre, je commençais à voir les choses d’un autre œil. J’avais toujours été un enfant timide mais relativement heureux. Mais voilà qu’avec tout cet entraînement, tout ce stress de la compétition d’élite, je me suis mis à me désintéresser des choses que j’avais normalement adoré faire, y compris — éventuellement — m’entraîner. Mon ascension rapide en matière d’habileté et de confiance était affectée ; je ne m’améliorais plus au même rythme et me retrouvais envahi par le stress et la frustration.

Tout cela était tolérable, tant et aussi longtemps que je m’en tenais aux aspects individuels de la saison d’athlétisme mais, une fois dans la partie de la saison où l’emphase était sur les activités d’athlétisme en équipe, les choses se sont gâtées. Je ne pouvais penser à rien d’autre que le fait que je laissais tomber mes coéquipiers parce que j’étais « lent » et « inefficace ». Entre temps, mes pensées sont devenues de plus en plus brouillées et ma perspective sur la vie de plus en plus négative. Cette pente glissante s’accentuait de plus en plus jusqu’à ce que, une bonne saison, je ne puisse plus faire face à la culpabilité de laisser tomber mes coéquipiers et entraîneurs en n’étant pas digne de leurs supposés besoins, des besoins que j’avais simplement amplifiés dans ma tête. Finalement, j’ai tellement régressé que j’ai dû abandonner le sport que j’avais tant aimé. Je ne pouvais simplement plus me regarder dans le mirroir.

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Je me suis agrippé à ceux que j’aimais pour tenter d’apaiser la douleur. J’ai consulté mon médecin de famille qui m’a référé à un conseiller pour ce que tous les adultes appelaient ma « dépression ». Je ne comprenais pas vraiment à ce moment-là, n’étant familier avec l’expression « dépression » que par le biais de certains commerciaux à la télévision où la victime était suivi partout et en tout temps par un dessin animé en forme de nuage.

Bien que je recevais enfin l’aide dont j’avais si désespérément besoin, j’avais l’impression de ne pouvoir en parler avec quiconque en dehors de ma famille immédiate. J’avais honte, j’étais gêné et anxieux à la pensée que mes pairs pourraient découvrir que j’étais différent. Ma conseillère et moi n’avions pas d’atomes crochus et j’ai décidé de cesser de la consulter, en faveur de gérer moi-même mes symptômes... une décision fortement déconseillée à quiconque se retrouve dans une telle situation. Ce fut la pire erreur de ma vie ; je ne savais pas à quel point la douleur pouvait empirer. 

Bien que je recevais enfin l’aide dont j’avais si désespérément besoin, j’avais l’impression de ne pouvoir en parler avec quiconque en dehors de ma famille immédiate. J’avais honte, j’étais gêné et anxieux à la pensée que mes pairs pourraient découvrir que j’étais différent.

Le nuage caricature de la publicité

Au cours des trois années suivantes, j’ai permis à ma dépression de s’installer en moi. Elle s’est accrue chaque jour. Avec le recul, je réalise que le diagnostic de « troubles dépressifs majeurs », entre autres, décrit précisément ce à quoi j’aurai probablement à combattre pour le reste de mes jours.

C’est une sensation presqu’indescriptible mais, au mieux, mon fardeau personnel se présente comme une brume — froide, humide et confuse — qui perturbe ma concentration sur des tâches fastidieuses et ma capacité de prendre des décisions rationnelles et typiquement simples. Au pire, ce même fardeau m’enlève tout espoir de dormir, entrave légèrement mes fonctions motrices et me laisse physiquement épuisé ou vidé, rendant impossible d’accomplir quelque tâche sportive ou académique constructive. Ces sensations, comme de raison, ne sont problématiques que si j’ai trouvé la force de me lever de mon lit le matin. Visuellement, je rattache ces sensations au nuage caricature de la publicité parce que c’était la meilleure illustration que je me représentais au moment où j’essayais de recoller les fragments de ma vie. Mais tout ça n’est que le dommage physique avec lequel je dois composer.

Ces pensées peuvent être tellement secrètes que tu en oublies presque l’existence. Puis, tu réalises que le bourdonnement d’activité qui se passe dans ta tète te souffle toujours des messages en sourdine. Ça, c’est le dommage émotif que le nuage ne peut illustrer mais je ne suis pourtant pas certain que d’autres pourront le faire davantage puisqu’il s’agit d’un sujet tellement tabou dans la vie… et dans la mort. Cette petite voix convaincante essaie de te faire comprendre que ce serait beaucoup moins problématique si tu n’existais plus, tu ne manquerais à personne — même que ceux qui t’entourent n’en seraient que soulagés alors ce serait un grand service que tu leur rendrais. L’aspect de ce côté caché de la maladie le plus dévasteur est que cette voix n’est nulle autre que la tienne.

Le paradoxe sportif

L’ironie de ma carrière comme étudiant-athlète est que j’ai choisi l’Université Trent pour son campus et son environnement, mais aussi parce que le campus n’offrait ou n’accueillait pas une équipe d’athlétisme. Le contraire aurait été un rappel trop douloureux, pour moi, de ce dont j’avais été forcé de m’éloigner. Cet endroit, par contre, m’a aidé à réaliser que demander de l’aide (même quand tu es réticent à le faire) peut apporter des résultats positifs très intenses à ton état d’esprit. Demander de l’aide, selon tes capacités et en fonction des ressources qui sont à ta disposition, peut t’aider à t’épanouir tout en vivant avec les hauts et les bas d’une maladie mentale. Tu n’as pas le choix quant à ta malchance d’être atteint d’une maladie mentale, mais tu as parfois le choix d’accepter l’aide qui t’est offerte pour améliorer ta propre situation.  

C’est au cours de ma première année universitaire que cette épiphanie m’a amené à m’adresser au très charismatique entraîneur du programme de cross-country de Trent dans l’espoir de retrouver la joie dans ma vie et de réclamer la part de mon identité que j’avais délaissée tellement d’années auparavant.

Et ainsi s’amorça, l’année suivante, la première année de ma vie d’étudiant-athlète, laquelle s’est avérée aussi enrichissante et satisfaisante que je l’avais espéré. Cette saison comme recrue, j’ai été nommé capitaine de l’équipe et j’ai conduit notre meute à une fin de saison universitaire satisfaisante et atteint mon tout premier championnat national U SPORTS. Tout ceci en plus d’être sélectionné joueur le plus utile et de venir tout près d’être nommé à l’Équipe des étoilés académiques canadiens U SPORTS pour mes efforts au niveau des études ; il semblait que j’avais mis le point final d’un conte de fées à un passé douloureux.   

 

Pourtant, malgré mes succès sur papier, je me débattais toujours physiquement et mentalement.

Pourtant, malgré mes succès sur papier, je me débattais toujours physiquement et mentalement. J’ai également eu à faire face au décès d’un ami à une semaine seulement du championnat canadien. Le schéma de mes combats antérieurs, reliés à mon statut d’étudiant-athlète qui s’écrase sous pression, tenait bon. Je me débattais, au quotidien, avec l’insomnie et les migraines dues au stress malgré les bonnes habitudes de vie que je m’imposais dans le but de gérer mes symptômes et mes émotions.

Ceci, jumelé à un horaire sportif très chargé, a fait en sorte que j’ai été forcé d’admettre que j’avais besoin de compter sur quelqu’un d’autre pour sevrer cette spirale destructrice dans laquelle je m’étais de nouveau laissé prendre. La saison suivante, j’ai pris rendez-vous avec le médecin du campus et auprès du centre de soutien et de bien-être de l’étudiant. Ces ressources m’ont aidé à cerner les causes médicales de ma dépression et m’ont réappris à gérer mon stress et mes autres problèmes associés à l’aide d’un conseiller. J’ai découvert que ma forme particulière de dépression sévère découlait d’un déséquilibre chimique et de problèmes de transmission de l’information des neurones vers les récepteurs dans mon cerveau, empêchant mon corps de produire le nombre nécessaire d’hormones dont j’ai besoin pour me sentir heureux sur une base régulière.

À l’intérieur du semestre suivant ce nouveau départ vers la stabilité dans ma vie, j’ai réussi à garder ma carrière sportive sur la bonne voie de ce que je jugeais réalisable pour moi, ainsi qu’à augmenter ma moyenne pédagogique à un niveau digne d’une étoile académique canadienne U SPORTS.  

L’épiphanie

Les exigences du train de vie de l’étudiant-athlète peuvent parfois être accablantes pour l’individu moyen ; il va donc sans dire qu’elles peuvent être encore plus dévastatrices pour ceux qui souffrent de maladie mentale. On m’a déjà demandé ce que je dirais à « l’ancien moi » si je pouvais lui envoyer un message. J’y réfléchis depuis longtemps déjà, surtout dans les pires moments. Les questions qui suivent sont celles que j’aurais aimé qu’on me pose il y a longtemps.

Pourquoi se contenter de passer au travers plutôt que de viser le bonheur ? Pourquoi simplement réussir à passer au travers de la journée de cours ou de la séance d’entraînement ? Pourquoi ne pas triompher dans l’adversité ? Il me semble tellement facile d’y réfléchir aujourd’hui, alors que je suis la plupart du temps, maintenant, dans un état mental solide et équilibré. Cet état de bien-être m’a permis de comprendre l’importance de demander de l’aide lorsqu’on en a besoin, mais aussi à l’apprécier lorsque quelqu’un nous offre de l’aide même lorsque nous ne croyons pas en avoir besoin. La maladie mentale est un fardeau trop lourd à gérer seul. Tout le monde a besoin d’aide de temps en temps. Ce n’est PAS un signe de faiblesse. Ce n’est qu’une permission que tu te donnes de demander l’aide dont tu as besoin. C’est comme prendre un médicament lorsque tu es malade ou même comme manger lorsque tu as faim. C’est une nécessité.

ISMÉA est un organisme qui soutient les étudiants-athlètes dans leur quête visant à sensibiliser le public en matière de santé mentale dans le milieu des sports et des études. J’espère qu’en partageant avec vous mon combat contre la dépression, comme étudiant-athlète, j’aurai permis à d’autres de reconnaître le besoin d’un confrère ou d’une consœur dans le besoin et de l’aider à solliciter de l’aide auprès des professionnels de la santé ou aux athlètes eux-mêmes de réfléchir à leur situation, à ce qu’ils vivent au quotidien, et à se tourner vers quelqu’un pour recevoir de l’aide. Sensibiliser aux combats des étudiants-athlètes d’aujourd’hui aura pour effet, espérons-le, de diminuer le nombre d’athlètes à venir qui auront à vivre une expérience le moindrement semblable à mes propres combats.


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ISMÉA est un organisme qui soutient les étudiants-athlètes dans leur quête visant à sensibiliser le public en matière de santé mentale dans le milieu des sports et des études. 

Twitter: @mentally_tough
Site: http://www.samhi.ca/ 

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