Natation Masculine Nouvelles

À l’automne 2011, la nageuse de l’Université de Brock, Lesley Ridsdale, déambulait au bord d’une piscine, comme d’habitude. sur la plante de son pied droit et l’orteil de son pied gauche.   

Née avec une dysplasie congénitale de la hanche, le dommage à sa hanche gauche se traduit par un écart de cinq pouces de longueur entre les jambes de Ridsdale, la forçant, comme elle dit, à ‘marcher sur ses orteils.’   

Lorsque Kristy Lyon, entraîneuse des Huron Hurricanes du club de natation de Ridsdale s’est amenée sur le bord de la piscine, ce jour-là, les deux ne s’étaient jamais rencontrées. Lyon, après avoir vu Ridsdale marcher sur ses orteils a pensé que cette dernière avait le potentiel de réussir en paranatation. 

Le même jour, Lyon a réalisé que Ridsdale est beaucoup plus spéciale et se démarque par beaucoup plus que sa démarche. Son attitude positive, sa générosité naturelle et sa personnalité rayonnante et débordante font de Ridsdale une personne unique et différente de tous ceux que Lyon avait déjà entraînés, et non seulement à cause de sa démarche.    

LE DÉBUT D’UNE GRANDE PASSION 

Née et éduquée à Goderich, Ont., Ridsdale a appris à nager parce que sa mère, Bernice, ne laissait aucun de ses enfants descendre seul au lac près de leur maison avant d’avoir suivi des cours de notation au YMCA local.   

Lesley a obtenu sa cinquième étoile au YMCA et a poursuivi son entraînement avec le YMCA Storm. À 12 ans, elle était diplômée du programme Storm et est passée au niveau club avec les Hurricanes de sa ville natale, demeurant au niveau récréatif plutôt que compétitif.

Une hanche conventionnelle est une articulation orbiculaire. La boule dans la partie supérieure de l’os de la cuisse s’adapte parfaitement à la cavité dans la hanche. Dans le cas de Lesley, il manquait une partie, un morceau de la cavité et la boule tombait sans cesse. Les médecins ont réparé sa hanche en remontant la boule et en la forçant à s’intégrer dans la cavité. C’est ce qui a créé l’écart de cinq pouces dans la longueur de ses jambes et qui a contraigné Lesley à développer sa démarche sur les orteils. Malgré la démarche inusitée de leur fille, Bernice et son conjoint Dan, ont toujours traitée Lesley comme si elle était tout à fait capable et n’avait aucun handicap.  

Bien des enfants auraient eu de la difficulté à se croire normaux en ayant une démarche aussi différente de celle des autres. Mais l’attitude unique de Lesley était telle qu’elle suivait la logique de ses parents. « Je ne me suis jamais considérée handicapée », dit Lesley. « Ma mère excellait à ce niveau-là. »

ACTE DEUX 

Lorsque ses parents ont d’abord été confrontés à l’idée que Lesley pourrait concourir à titre de paranageuse, durant ses années de Storm, ils ont nettement refusé.   

Lesley a poursuivi la natation récréative tout au long de son adolescence, concourant à l’occasion, mais ne faisant jamais la transition vers la natation de compétition. Bernice n’était pas prête à payer le prix pour passer à l’étape suivante et Lesley était heureuse juste de se retrouver à l’eau. Le fait que la natation mettait peu de pression sur sa hanche constituait un bonus. 

Une fois au secondaire, Lesley a laissé tomber la natation pour son autre passion — l’art dramatique. Comme la piscine, le théâtre représente pour elle une zone de confort.     

« C’était un endroit où je me sentais normale. Les jeunes en art dramatique s’expriment librement », de dire l’étudiante de troisième année en art dramatique de Brock. « Tu n’as pas besoin de porter un masque, d’être “cool”. C’est un endroit où j’ai beaucoup appris à me connaître. »  

Le combat entre son amour de l’eau et sa passion pour le théâtre allait refaire surface. Les deux choses qu’elle aime le plus exigeaient des activités en soirée et Lesley allait trouver difficile de combiner les deux.  

LE SAUT AU PARA  170124_Brocks_Ridsdale_Body.jpg (116 KB)

En 2011, alors que Lyon entraînait les Hurricanes, Lesley est retournée à la natation récréative. 

Connaissant l’aversion de Bernice et Dan pour le mot handicapé, lorsqu’il s’agissait de leur fille, Lyon a attendu quelques mois et a appris à mieux connaître Lesley avant de l’approcher pour lui faire part des occasions qui lui seraient offertes comme paranageuse.  

Il n’y avait qu’un seul problème. Comment quelqu’un qui s’est fait dire toute sa vie qu’elle n’était pas handicapée pouvait-elle soudainement commencer à nager dans la catégorie para ? 

« Nous nous sommes assises et avons parlé de l’importance qu’avait la natation pour elle ; je lui ai expliqué les possibilités qui pourraient s’offrir à elle si elle décidait de s’impliquer comme nageuse handicapée » dit Lyon. Sa réaction a été « Quoi, j’ai un handicap, moi ? » 

Bien qu’elle boitait visiblement, Lesley assure que le niveau de la douleur, au secondaire, était loin de ce qu’il est aujourd’hui — elle doit maintenant utiliser une canne pour marcher et les longues distances lui sont de plus en plus pénibles. Le fait que son malaise n’étant pas aussi dominant, combiné à l’attitude de ses parents, l’avait convaincue depuis le tout premier jour qu’elle était aussi capable que quiconque ; il lui était, par conséquent, très difficile de s’entendre dire, d’accepter, et de faire sienne la réalité qu’elle était handicapée. 

« C’était difficile parce que ma perception était que j’étais normale », explique-t-elle. « De me retrouver ensuite parmi des gens dont les handicaps étaient évidents était très perturbant pour moi. » 

Le dernier obstacle était de convaincre Bernice et Dan de permettre à Lesley d’essayer la paranatation. Ses parents ont toujours prêté leur soutien à tout ce qu’elle a fait et, lorsqu’ils ont rencontré Lyon et réalisé quelle excellente entraîneuse et quelle personne exceptionnelle elle était, ils ont vite fait d’être vendus à l’idée.    

Lyon et Lesley ont fait deux heures et demie de voiture pour se rendre à Milton, Ont. pour que Lesley puisse y subir un examen physique — un processus de classification qui durait tout le weekend. Beaucoup de paperasse et de la recherche additionnelle seraient requises de la part de Lyon pour qu’elle comprenne ce qui serait exigé pour faire classer Lesley ; un défi de taille simplifié en grande partie grâce au caractère de Lesley.    

« Elle est tellement dévouée envers tout le monde. Elle fait toujours passer les autres avant elle-même, ce qui est extraordinaire compte tenu de ce à quoi elle doit faire face chaque jour », dit Lyon. « Elle a une telle énergie positive en tout temps. Elle est toujours souriante et remonte tous ceux qui l’entourent. » 

Une année entière s’est écoulée avant que Lesley ne constate de sérieux résultats comme paranageuse. Elle s’est mise à se qualifier pour des championnats régionaux et provinciaux. Toutefois, un aspect la dérangeait vraiment. À l’entraînement, elle nageait avec la même rapidité que ses amis non handicapés qui, eux, ne se rendaient pas aux régionaux et aux provinciaux. 

 « Je me suis vraiment débattu avec le fait que j’étais maintenant considérée handicapée alors que je ne l’avais pas été pour la plus grande partie de ma vie », explique Lesley. « Par contre, ce fut très touchant de rencontrer tous ces gens sympathiques et de comprendre que pour eux aussi, c’est leur “normale”. Une fois que j’ai eu compris ça, ce fut beaucoup plus facile. »           

Après sa cinquième secondaire, Lesley a décidé de s’inscrire à Brock en art dramatique. Elle voulait poursuivre sa natation et a approché l’entraîneur Peter Bradstreet pour lui demander ce qu’elle devait faire pour se joindre à l’équipe. 

Puisque U SPORTS n’offre pas de programme de paranatation, Bradstreet a avisé Lesley qu’elle devrait s’adapter aux exigences d’entraînement de l’équipe, mais en l’assurant qu’on serait indulgent à son égard en ce qui concerne les standards de temps.

À compter du moment où elle s’est jointe à l’équipe, elle a été un membre important des Badgers. Elle ne contribue peut-être pas autant de points qu’elle le voudrait, mais son attitude à l’entraînement est contagieuse. 

« Elle est très animée. Elle est en art dramatique. Elle est pleine de vie, campée dans ses opinions et très positive », de dire Bradstreet. « Elle contribue énormément à l’atmosphère qui règne dans l’équipe. »   

Rachel Nogard, étudiante de quatrième année se spécialisant en éducation et coéquipière de Lesley à Brock, ces trois dernières années, dit que sa présence est irremplaçable.    

« La voix de Lesley est très forte, c’est sa marque de commerce. Lorsque j’arrive à l’entraînement, à 5 h 30 le matin, soit qu’elle chante ou qu’elle crie », explique Nogard. « C’est plutôt motivant parce que lorsque tu as mal et que tu veux que te retirer et que tu réalises qu’elle ne lâche pas, ça te motive. »   

Dans l’impossibilité de concourir comme paranageuse au niveau de U SPORTS, Lesley s’est concentrée sur se qualifier pour les Jeux parapanaméricains à Toronto en 2015. Pour ce faire, elle a dû se soumettre à un processus de classification internationale encore plus évolué et rigoureux.   

En mars 2015, Bradstreet a conduit Lesley aux essais à Markham, Ont. Lesley, sa famille et ses amis étaient très enthousiastes. Personne ne s’attendait à ce qui suivit.

GRANDE CLASSE 

Aux essais, Lesley a été disqualifiée comme nageuse S10, étant jugée trop « capable » (ou pas suffisamment handicapée, en quelque sorte). Elle ne rencontrait pas les standards de classification. Ses jambes sont de longueurs similaires et aucune catégorie n’existait pour la différence de hauteur entre les articulations des hanches. Elle a été considérée handicapée, mais non selon les normes — une dure réalité.    

Sa carrière venait de « boucler la boucle ». Elle était partie de nageuse normale, avait accepté son handicap et les occasions qu’il lui offrait, pour en arriver à ce que le tout lui soit retiré juste au moment où elle atteignait le plus haut niveau de sa carrière. 

D’autres athlètes confrontés à de telles circonstances se seraient probablement découragés et se seraient détachés de leur sport ; pas Lesley. Soutenue par les nombreux témoignages de ses coéquipiers de Brock, par le biais de courriels, de messages textes, de Facebook, etc., Risdale est restée aux essais et a concouru même si elle savait que ses résultats n’allaient rien changer.   

« Il n’y a pas de meilleure définition d’un(e) athlète que ça. Quelqu’un qui a été disqualifié et qui nage malgré ça. Qui d’autre ferait ça ? » demande fièrement Bernice. « Une telle force de caractère est incroyable ! »

CAPABLE DE POURSUIVRE 

D’analyser tout ce qui s’est passé à Markham fut très difficile pour Lesley. Au même moment où elle se faisait disqualifier, elle était dans une douleur telle qu’elle ne l’avait jamais ressentie de sa vie.  

En avril 2015, Lesley a commencé à se servir d’une canne pour marcher. L’articulation de sa hanche était usée au point où il y avait friction entre les os et la douleur n’était pas endurable.   

« J’avais peine à marcher la valeur d’un coin de rue sans douleur alors il m’était plus facile enfin de saisir que j’étais bel et bien handicapée » et c’est à ce moment précis qu’on me disqualifie. Je ne peux pas nager « normale », je ne peux pas nager « handicapée » alors que suis-je ?

La saison suivante à Brock fut pénible. Elle s’efforçait de demeurer motivée et intéressée à la natation. Puis, au Championnat du SUO, elle a réussi son meilleur temps et elle est retombée amoureuse de la natation.    

« C’est presque comme une drogue » explique Lesley. « Ça ne s’explique pas. C’est une équipe et tu ne veux pas lâcher. J’ai pris une semaine de congé à l’été et j’avais besoin d’être dans la piscine. »

MOMENT DÉCISIF 

Maintenant dans sa troisième année à Brock, Lesley fait face à une autre décision difficile. Les étudiants en art dramatique consacrent énormément de temps aux répétitions et aux performances, tout comme le font les nageurs à l’entraînement. 

Au mois de mai, elle subira une chirurgie pour remplacer sa hanche endommagée. Ce sera la quatrième de sa vie et, elle l’espère, sa dernière. Elle ne sera pas encouragée à poursuivre sa natation 20 heures par semaine avec sa nouvelle hanche. Compte tenu, en plus, des exigences de son programme universitaire, tout semble indiquer que celle-ci sera la dernière saison de Lesley à titre de nageuse de compétition. 

Mais qu’il s’agisse de sa dernière saison de compétition ou non, Lesley sera toujours attirée vers la piscine. La natation a toujours fait partie de sa vie et l’eau est un endroit où elle se sent chez elle. 

« Je pense que Lesley sera toujours dans la piscine », d’opiner sa mère, Bernice. « Lorsque tu commences jeune, tu es conquis pour la vie. Elle saura toujours qu’il y a une zone de confort pour elle dans la piscine. » 

« Et ça, c’est un cadeau en soi. » 

Ce qui lui manquera avant tout, ce sera sa « famille de natation ». Ils font tous partie de sa vie et elle sera triste de devoir les quitter.  

« Je vais aussi m’ennuyer de la sensation de l’eau autour de moi, de pouvoir glisser, de me laisser bercer », dit Lesley. « Je me sens comme une sirène et d’être en mesure de faire quelque chose comme ça, de soumettre ton corps à autant d’endurance et de kilomètres — c’est une merveilleuse sensation. »

La communauté de la nage a eu le privilège de la présence inspirante et motivante de Lesley Ridsdale ces dernières années. Lorsqu’elle partira, elle laissera un grand vide au sein des Badgers qu’il sera difficile de combler. Mais la piscine est là où Lesley se sent chez elle et elle y reviendra… encore et encore.

Sirène un jour, sirène pour toujours.