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Le nom Nadia Comaneci sera éternellement associé avec « le 10 parfait ». Alors qu’elle n’était âgée que de 14 ans, la jeune Roumaine a stupéfié le monde entier lors des Jeux olympiques de 1976 à Montréal en devenant la première gymnaste de l’histoire à obtenir la note maximale de 10. La légendaire athlète a répété son exploit en obtenant six autres notes parfaites de 10 en route vers ses trois médailles d’or à Montréal. Quatre ans plus tard, aux Jeux de 1980 à Moscou, elle remportait deux autres médailles d’or et obtenait deux nouvelles notes parfaites de 10.

On est peut-être moins au courant du fait que, peu après les Olympiques de Moscou, Comaneci a également mené l’équipe féminine roumaine à une médaille d’or d’équipe à l’Universiade d’été 1981 à Bucarest. Jouissant déjà du statut de superstar, on lui accorda l’honneur d’allumer la flamme de l’Universiade.

Au-delà de 40 ans plus tard, et demeurant dans l’Oklahoma avec son conjoint, le gymnaste Bart Conner et leur fils Dylan, Comaneci s’est entretenue avec la FISU préalablement à l’Universiade d’été 2019 à Napoli et s’est remémoré ses années comme athlète de l’Universiade. Voici quelques extraits de cet entretien :

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 FISU : Lorsque vous faites un retour sur l’Universiade d’été 1981 à Bucarest, quel est le premier sentiment ou la première image qui vous revient ?

Comaneci : Lorsque je repense à l’Universiade de 1981, la première chose qui me vient à l’esprit est le fait que l’événement se tenait à Bucarest, en Roumanie, mon pays d’origine, mon « chez-moi ». Je n’oublierai jamais ça.

J’avais 20 ans et j’étais une étudiante universitaire. Au fait, c’est ce qui m’a permis de participer à l’Universiade — puisqu’il faut être étudiant pour y prendre part. J’étais heureuse de pouvoir ajouter l’Universiade à mon résumé, au même titre que les Olympiques, les Championnats mondiaux et les Championnats européens. J’étais fière de pouvoir compter les Jeux mondiaux universitaires (Universiade) parmi mes réalisations.

La plupart des athlètes participent à une Universiade avant d’accéder aux Jeux olympiques, mais vous étiez déjà une multiple médaillée d’or, détentrice de records mondiaux lorsque vous vous êtes retrouvée à l’Universiade. Comment avez-vous vécu cela ? Comment était-ce différent pour vous, si on compare votre expérience à celle des autres athlètes, de vos compatriotes ?

En gymnastique féminine, vous avez normalement fini de concourir aux Olympiques et aux Championnats mondiaux avant d’atteindre l’âge universitaire. En fait, pour participer à l’Universiade, vous devez avoir au moins 19 ou 20 ans — et à cet âge-là, plusieurs femmes gymnastes sont en fin de carrière, en ont déjà fini avec les Olympiques et les championnats mondiaux.

Quelle différence avez-vous constatée entre concourir à l’Universiade et aux Jeux olympiques ? Y avait-il des similarités ?

En réalité, je ne trouve pas qu’une expérience soit bien différente de l’autre. Tu essaies toujours de faire de ton mieux, d’offrir tes meilleures prestations. Dès qu’il s’agit d’une compétition, que ce soit au niveau national, européen ou mondial, tu veux toujours offrir le meilleur de toi-même. La véritable différence réside plutôt, à mon sens, dans le fait de concourir chez toi, dans ton propre pays, comme ce fut le cas pour moi à l’Universiade de 1981. Tu te sens plus anxieux, plus fébrile, parce que tu veux offrir ta meilleure performance lorsque ton pays entier te regarde.

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 Dans quel domaine avez-vous étudié à l’Université Politehnica de Bucarest, parallèlement à votre carrière sportive ? Quel aspect de votre vie d’étudiante-athlète avez-vous le plus aimé ?

J’ai fréquenté l’université pendant quatre années où j’étudiais en éducation physique. J’ai pris ça très au sérieux. J’étais très assidue, je suivais tous mes cours collégiaux et je me présentais tous les jours pour y écrire mes examens, bien que je m’entraînais et concourais toujours à ce moment-là.

Vous aviez déjà une renommée mondiale, mais vous avez quand même choisi de vous inscrire à l’université. Pourquoi ? Comment arriviez-vous à partager votre temps entre vos études et la gymnastique ?

Il était extrêmement important pour moi et pour ma famille que j’étudie et que je termine mon cours universitaire. Lorsque je concourais à l’université je me trouvais vieille ! Je savais que l’Universiade serait probablement la dernière compétition majeure de gymnastique de ma vie.

Donc, l’Universiade était la dernière, mais vous souvenez-vous de la première ? Ou, en fait, de la première fois que vous avez essayé la gymnastique ?  

Je me souviens que j’avais six ans et demi lorsque j’ai commencé. Je l’ai fait parce que j’avais énormément d’énergie ; j’ai été chanceuse puisque la gymnastique était une option pour nous, alors que peu de sports étaient accessibles aux femmes en Roumanie, à l’époque. Pour une famille dont l’enfant débordait d’énergie, c’était merveilleux d’avoir un club de gymnastique à proximité de la maison. Ma mère s’est donc fait un plaisir de m’y inscrire.

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Racontez-nous le moment de votre « 10 parfait ». Comment avez-vous réagi après avoir obtenu ce 10 parfait ?

Je me rappelle que j’avais 14 ans et que j’étais très heureuse d’obtenir le 10. Mais j’étais peut-être trop jeune pour saisir le fait que je passais à l’histoire.

Comaneci était non seulement passée à l’histoire, mais elle avait tellement chamboulé le monde de la gymnastique que Swiss Timing n’avait pas programmé son tableau de pointage pour afficher quatre chiffres. Ils n’étaient préparés qu’à concurrence de 9,99. Lorsque la minuscule adolescente s’est retournée pour voir sa note, elle a vu 1.00. Le tableau n’était pas programmé pour la perfection. Cela ne s’était jamais vu. Comaneci saisit maintenant l’importance de ce moment.

40 ans se sont écoulés depuis votre prestation historique aux Jeux olympiques — est-ce que cela vous étonne d’être connue et admirée à ce point encore aujourd’hui, et même parmi la plus jeune génération ?

Oui, je suis surprise de voir que les gens se souviennent de moi après 43 ans. Ça veut dire que l’impact que j’ai eu en 1976 a été beaucoup plus important que je ne l’avais imaginé à l’époque. J’espère pouvoir continuer de transmettre aux plus jeunes générations tout ce que j’ai acquis grâce aux expériences que j’ai vécues par le biais de la gymnastique.

Comaneci et son conjoint, Bart Conner, le gymnaste qu’elle a connu aux JO de Montréal, dirigent l’une des meilleures installations de gymnastique en Amérique, dans leur communauté à Oklahoma. Tous deux continuent de redonner au sport et sont des philanthropes et piliers de la société. Comaneci se consacre à des activités caritatives, y compris la création et l’exploitation de la Clinique Nadia Comăneci pour enfants à Bucarest, un centre médical sans but lucratif qui offre des soins médicaux, sans frais ou à prix réduit, ainsi qu’un soutien social aux enfants roumains. Elle incarne ainsi la vision et les valeurs de la FISU voulant que les étudiants-athlètes deviennent des piliers de la société.  

Quel conseil donneriez-vous aux générations à venir qui désireraient mener une carrière sportive de front avec leurs études ?

Je trouve que le sport est incroyable. J’ai tellement appris grâce à mes activités sportives, j’ai vécu une véritable panoplie d’expériences. Je suis de l’opinion que le sport nous aide énormément dans la vie, à créer des liens d’amitié et, il va sans dire, à maintenir une bonne santé. Qui plus est, il ouvre de nombreuses portes sur l’avenir.

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En parlant de l’avenir et de futures étoiles, avez-vous suivi la gymnaste de UCLA, Katelyn Ohashi et ses récentes prestations qui lui ont valu un 10 parfait ?

Oui, j’ai regardé Katelyn Ohashi. J’adore sa routine. Je crois que c’est ce genre d’engouement qui démarque la gymnastique, qui lui donne toute son importance. Ça me ramène au temps où nous étions en compétition et que nous pouvions obtenir un 10 parfait. Aujourd’hui, les règles (FIG) ont changé quelque peu. Tu ne peux plus obtenir un 10.0 au total ; heureusement, toutefois, tu peux toujours obtenir un 10.0 à l’exécution (pointage B) alors l’engouement du 10 demeure.

Dans la perspective de Napoli 2019, croyez-vous que l’Universiade serait un bon moment pour mettre les changements de règles à l’épreuve ? Dans l’affirmative, quelles modifications aimeriez-vous voir, par exemple ?

Pas nécessairement. Je ne crois pas que l’Universiade soit la plateforme idéale pour contester les règles. Je pense que chaque compétition est une plateforme où nous pouvons examiner les faits, tout en réfléchissant à quels changements seraient bénéfiques à l’athlète et à la gymnastique en général.

Et pour terminer, en cette année du 70e anniversaire de la FISU, quel est votre sentiment personnel concernant le mouvement sportif universitaire ?

Je souhaite le meilleur 70e anniversaire à la FISU et je suis extrêmement reconnaissante d’avoir vécu l’expérience de l’Universiade, à titre de concurrente.