Hockey sur gazon Féminin Nouvelles

Nous sommes en mars 2017 et l’équipe féminine de hockey sur gazon des Gryphons de Guelph se dirige vers le vestiaire pour une réunion après son entraînement du matin.  

Oliver Lane distribue à chacune de ses coéquipières une carte personnalisée. Après leur avoir donné le temps de la lire, il répond aux questions qui lui sont posées. La réunion terminée, ses coéquipières commencent à l’appeler Oliver et à utiliser les pronoms il et lui — une autre étape dans sa transition.  

Qui plus est, cette importante transition en déclenche une autre : celle de passer de joueur à entraîneur, laquelle ne pourra qu’être positive pour l’équipe.   

Lane a commencé à jouer au hockey sur gazon féminin en 11e année. Il s’agissait d’un choix de carrière sportif plutôt tardif, mais accéléré grâce à l’accès de Lane à une académie de haute performance de Guelph dont la gestion relevait de l’entraîneuse-chef des Gryphons, Michelle Turley.

Ayant d’abord rapidement trouvé sa voie au sein du programme provincial féminin, Lane a ensuite fait la transition en terrain connu à l’université alors qu’il s’est joint à l’équipe des Gryphons de Turley en 2014. Dès sa première année, il serait désigné Recrue de l’année du Sport universitaire de l’Ontario (SUO) et se retrouverait en tête des Gryphons au chapitre des buts comptés.

Oliver_Lane_5.jpg (253 KB)

En deuxième année, Lane s’est remis d’une blessure subie au cours de la saison morte pour réussir 14 buts pour les Gryphons. En troisième, il fut sélectionné JPE du SUO et, comme capitaine, joueur ex-aequo de l’année U SPORTS et meilleur buteur au pays.  

« Lorsque j’ai amorcé ma troisième année, j’étais en meilleure forme que jamais et j’ai connu une saison tout à fait inoubliable. S’il se trouvait une saison pour faire mes adieux comme joueur, je n’aurais jamais pu mieux choisir. J’ai vraiment laissé tout ce que j’avais sur le terrain, » affirme Lane.

 

« Je n’ai pas entamé cette année-là en sachant comment se dérouleraient les quelques mois à venir, mais dans mon subconscient, j’étais plutôt content ; mon attitude était “Celle-ci pourrait bien s’avérer ta dernière saison : tu pourrais te blesser, on ne sait jamais ce qui peut arriver — essaie de disputer chaque match comme s’il était ton dernier. »

Ce serait, en effet, sa dernière saison comme athlète de l’équipe féminine, mais certainement pas sa dernière comme membre de l’équipe.

Peu de temps après, Lane a engagé des dialogues avec la direction du programme des Gryphons au sujet de sa transition. La réunion qui a suivi cet entraînement matinal en mars, bien que sur un sujet intimidant ou — en tout cas — susceptible d’affecter les relations de Lane, s’est plutôt avérée une source de soutien accru alors qu’il poursuivait son processus.  

En réalité, les seules choses qui ont changé sont, d’abord, la façon dont (l’équipe) me voyait, les pronoms qu’elle employait à mon égard et mon changement de nom, mais les filles ont été solidaires sur toute la ligne, » explique Lane. « Je dirais que parmi la plupart des personnes dans ma vie, ce sont elles qui ont le plus rapidement emboîté le pas et ce fut tout à fait formidable. »  

En ce qui concerne la coéquipière et vétéran de cinquième année, Rebecca Plouffe, le soutien était inconditionnel et incontestable.  

Manifestement, nous le comprenions toutes. C’était, sans aucun doute, une révélation puisque je ne connais personne (autre que Lane) qui vivait ça, » de dire Plouffe. (Oliver) lui-même a dit : « Je sais que ce n’est pas monnaie courante. »

Lorsqu’est arrivée la saison 2017, Lane a pris la décision de poursuivre sa thérapie hormonale, renonçant à sa chance de continuer comme athlète de l’équipe féminine, la politique U SPORTS concernant les étudiants-athlètes transgenres étant toujours au stade embryonnaire, à ce moment-là. Bien que le programme de Guelph lui ait offert de poursuivre la compétition, s’il était prêt à remettre à plus tard le début de sa thérapie, Lane a choisi d’aller de l’avant avec sa transition.  

 « Ce ne fut pas un choix facile et il ne fait aucun doute que tout le soutien qu’on m’a donné a aidé énormément ; mais après tout, je poursuivais un rêve que je chérissais depuis longtemps » explique Lane. « Un choix difficile, mais... les pour l’emportaient sur les contre. »       

Lane continuait d’assister aux entraînements et aidait l’équipe de toutes les façons qu’il pouvait le faire, à l’instar du capitaine et du leader qu’il avait été tout au long de ses trois saisons. Cette éthique de travail n’est pas passée inaperçue et lui a mérité le titre d’entraîneur étudiant adjoint — un nouveau poste au sein de la communauté du hockey sur gazon des Gryphons créé cette année.

Oliver_Lane_6.jpg (156 KB)

« Il est très respecté par ses anciennes coéquipières, possède une éthique de travail exceptionnelle et une personnalité attachante, alors je me suis simplement dit que c’est quelqu’un comme lui que tu veux autour de tes athlètes, » explique Turley au sujet du nouveau rôle de Lane.               

Quant aux joueuses, le fait de voir leur ancienne coéquipière devenir un entraîneur leur offrait une expérience accrue vraiment hors du commun. 

« Il nous connaît si bien et il est tellement lié d’amitié avec nous toutes... sans perdre de vue qu’il a joué jusqu’à tout récemment et qu’il était un joueur phénoménal, » explique Plouffe. « Ces deux aspects, à eux seuls, ont réellement aidé notre équipe. »

Pour l’entraîneuse Turley et son adjoint Nick Govia, Lane joue un rôle essentiel à titre de liaison entre les attentes des entraîneurs et les expériences des joueuses. Comme meilleur ami et entraîneur d’âge similaire, Lane est un atout inestimable pour la dynamique d’entraînement lorsque vient le temps de réduire l’écart entre les athlètes et le personnel entraîneur.

« Il sait ce que ça prend pour réussir comme athlète alors je trouve ça bon lorsqu’il s’exprime, » dit Turley. « Je pense que tout le monde l’écoute et réagit positivement à ce qu’il dit. »                         

U SPORTS a annoncé une nouvelle politique concernant les étudiants-athlètes transgenres en septembre 2018, qui énonce que « les étudiants-athlètes pourront concourir au sein de l’équipe qui correspond à leur genre biologique ou à leur identité de genre, pourvu que les étudiants-athlètes soient en conformité avec le programme antidopage canadien. »

Mais Lane affirme qu’il est content de demeurer dorénavant dans son rôle d’entraîneur — une décision amplement respectée au sein de la communauté des Gryphons.  

« Aujourd’hui, avec cette politique en vigueur, il n’y a aucun problème : Oli pourrait facilement jouer, » affirme le directeur des sports des Gryphons, Scott McRoberts. « Et je sais qu’il est heureux là où il est, qu’il est parfaitement à l’aise avec sa décision ; je connais les raisons qui ont motivé cette décision et je les applaudis encore davantage. »

Oliver_Lane_7.jpg (158 KB)

Quant à Lane, la politique ne le ramènera pas à concourir au sein du sport qu’il aime à son université, mais il réalise l’impact que cette politique aura pour d’autres étudiants-athlètes U SPORTS, actuels et à venir.

« Bien que la politique me permette de jouer, ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse... C’est ainsi que, personnellement, j’entrevois ma transition et la façon dont la politique me concerne, » dit-il. « Mais, évidemment, chacun voit sa propre transition à sa manière et s’identifie différemment dans le contexte des genres... Je pense que la politique va ouvrir des portes pour des athlètes et pour certaines personnes dans des situations précises. Je suis convaincu qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction. »

Et, bien qu’il ait songé à jouer pour une équipe masculine ou mixte, Lane est — du moins pour le moment — heureux dans son rôle d’entraîneur, surtout si cela lui permet de continuer à faire partie du programme où il se considère « chez lui ».

« J’adore l’Université de Guelph et j’ai de la difficulté à imaginer ce que serait ma vie si j’étais allé ailleurs, » dit-il. « Je suis tellement reconnaissant d’être entouré de gens exceptionnels qui me soutiennent réellement et qui m’ont permis de faire un choix en faveur de la transition tout en demeurant membre de l’équipe. »               


Lucy_Fox.png (913 KB)

Lucy est étudiante de cinquième année au baccalauréat en études des médias de l'Université de la Colombie-Britannique. Auparavant, elle était stagiaire en communication avec les Whitecaps de Vancouver et la responsable des médias sociaux pour la classique Pat Quinn, un tournoi de hockey local à Vancouver. Depuis 2017, elle est la rédactrice des sports du journal du campus, The Ubyssey, et a été laureate du prix de l’article de l’année 2017-2018 présenté par le Globe and Mail.